Chapitre 14

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Suite au cataclysme de Guebourah, il fut décidé par les souverains des royaumes inférieurs des cieux d’envoyer Zeir Anpin aider le royaume. Le grand Architecte ne posa pas son véto. 

Avant de partir, Zeir prit tous les risques pour se rapprocher un maximum de l’Abysse. Les démons tombèrent sur lui comme la misère sur le monde, le submergeant presque. Ils l'outrepassèrent et fondirent sur Tiphéreth. Mais à l’aune de sa défaite, Zeir souffla une dernière explosion de lumière droit dans l’Abysse, qui enfin, se tût pour un moment. Cela donna à la Milice du cœur quelques mois de relatif répit, cruciaux pour se préparer. 

Alors que Zeir partait, les milices de Netzach et de Hod vinrent renforcer celle de Tiphéreth. Sur ordre du généralissime Gadreel, elles se positionnèrent sur la route de la Haute-Prêtresse, dressant un Mur face à l’Abysse. Ce Mur était composé des flottes élohiennes, de vaisseaux immenses à la puissance de feu cumulée équivalente à la moitié de celle de Zeir Anpin. Mais les élohim étaient lucides. Cette flotte, dans l’état actuel des choses, n’avait pas l’efficacité précise d’un partzuf. Elle était plus finement étendue, moins résistante. Et surtout, les élohim n’avaient pas les moyens de la perdre entièrement. 

Par conséquent, il fut décidé de réorienter toutes les forces de production des royaumes vers l’industrie navale. Les chantiers navals des royaumes inférieurs redoublèrent d’efforts pour renforcer le Mur. Des vaisseaux de cristal furent construits à toute vitesse par les chérubins. Puis ces coquilles furent emmenées dans les Nébulars, des zones célestes où les ophanim créaient des univers-poches qu’els nichaient à l’intérieur des coquilles. Les vaisseaux des élohim n’étaient pas de simples moyens de transport. Comme le Domitia, vaisseau-monde dans lequel Michaël avait navigué, les vaisseaux élohiens étaient de véritables créations dans la Création. Plus grands à l’intérieur qu’à l’extérieur, ils généraient eux-mêmes l’énergie nécessaire pour envoyer jets de lumière annihilant les démons. Ainsi, les forces élohiennes voyageaient dans ces petits univers pulsants de lumière pour aller vaincre les démons. 

Des Nébulars sortirent en priorité les Singulars, des vaisseaux massifs en forme de tore conçus pour coordonner les opérations du Mur. Ces vaisseaux allaient être investis par les vertus et des dominations venues de Hod et de Hessed et seraient équipés des meilleures technologies de commandement et de communication, soutenues par des infrastructures cristallines construites avec génie. Vinrent ensuite les Stars, des vaisseaux massifs transportant majoritairement des puissances. Ils étaient les principaux navires offensifs de la flotte, lourdement blindés et armés d'une gamme d'armes conçues pour engager et détruire de grands pans de la horde. Vinrent enfin les Pulsars, des vaisseaux plus petits mais incroyablement lumineux, qui composèrent la majorité de la puissance de feu de la flotte. Les Pulsars étaient l’arme fatale des flottes élohiennes. À la destruction d’un Star, des centaines de Pulsars surgissaient en effet des décombres, vengeant leur ancêtre. Pour les plus grands Stars, des Nébulars apparaissaient sur le lieu de leur défaite, assurant le futur de la flotte. Les flottes élohiennes n’étaient pas inertes. Elles étaient à leur manière vivantes, résilientes. Michaël les observa se développer avec émerveillement. 

Produire des vaisseaux-mondes n’était pas la seule priorité de Tiphéreth. Il fallait préparer des troupes pour les investir. Les azohim furent elles aussi mobilisées, afin de donner naissance à une myriade de puissances, au prix souvent de leurs principes de chasteté et de dignité. Des demoiselles à peine entrées dans l’adolescence furent mises enceintes pour pondre des œufs en série. Michaël et les élohim d’Aubastronomica observèrent le phénomène avec effroi alors que les archanges faisaient tout pour étouffer les scandales. Cela ne fonctionna pas tout à fait, mais tant pis. Le peupl’aile comprendrait. Lui aussi serait sacrifié à la cause. Ceux qui monteraient dans la flotte du mur ne reviendraient pas. Mais les vertus venues de Hod leur promirent une chose. Els chemineraient avec gloire jusqu’au Berceau et lors de la grande résurrection, aux confins des temps, seraient traités en héros parmi les héros. 

— Oui enfin, seulement si on vainc la horde et qu’on reconstruit EL, râla Padmilia face à cette promesse. À ce rythme c’est mal barré. 

— Ne perdez pas espoir, archange, encouragea Michaël. Aubastronomica n’est pas la première horde titanesque à nous pousser dans nos retranchements. 

— C’est la première qui nous prive d’un partzuf ! Peu importe nos efforts, nous sommes damnés…

— Nous ne faisons qu’échanger de stratégie temporairement, nous et Guebourah. 

La stratégie du Mur était en effet inspirée de celle que les guébouréens avaient utilisés depuis des millénaires. L’industrie de guerre permanente, le sacrifice des azohim et des élohim, tout ça pour compenser le manque d’un partzuf. 

— Tiphéreth n’a pas été conçu pour adopter cette stratégie. Guebourah a été bâti comme une forteresse, Tiphéreth non. 

— Tiphéreth s’est trop reposé sur Zeir…

— Oui… Pour se focaliser sur la reconstruction d’EL. Et puis de toute façon Guebourah a fini par s’effondrer malgré cette stratégie de “Mur”.

— Els ont été poussés à bout et ont perdu tous leurs nobl’ailes dans la guerre… Pourquoi ne pas construire un nouveau partzuf pour els ?

— C’est impossible.

— Pourquoi ? J’ai toujours entendu ça mais j’ai jamais pu savoir pourquoi…

— C’est impossible, c’est tout. 

Ainsi, pendant plusieurs mois, Padmilia, Michaël et les élohim d’Archa Strategica observèrent les combattants de la Milice défendre seuls Tiphéreth. La stratégie du Mur établie sur la route de la Haute-Prêtresse fonctionna au prix d’énormes sacrifices. Mais le renouvellement des vaisseaux dans les Nébulars et le taux de natalité des élohim furent suffisants, pour le moment. 

Guebourah quant à el, grâce à l’aide de Zeir, put endiguer l’assaut de la horde sur Madim, sa capitale et refermer la brèche dans sa séphira. Mais un nombre incalculable de démons avait pénétré le royaume, s'infiltrant partout, jusque dans les profondeurs du Gueb. L’univers de Guebourah devint infecté par les ténèbres. Les démons se cachèrent notamment dans un ensemble de canyons rocheux, rebaptisés les labyrinthes de la nuit. Un nouveau front s’y forma, interne au royaume. Zeir ne pouvait intervenir facilement, sans risque d’oblitérer Madim, qui se trouvait trop près. Alors le partzuf se concentra sur le front de l’Abysse, empêchant d’autres branches d’Aubastronomica de fondre sur Guebourah. Les démons se rabattirent sur les autres royaumes. Arikh Anpin défendit Hessed et Netzach. Nukvah défendit Hod, Yesod et par extension, Malkouth. Tiphéreth resta seul avec son Mur. 

Les démons perçurent la vulnérabilité de Tiphéreth et s’abattirent sans retenue sur le Mur. La majorité furent annihilés par les Stars et les Pulsars, mais face à ces obstacles infranchissables, les ténèbres durent user de leurs propres stratégies. Les hordes titanesques avaient toujours eut leurs talents, et ces talents se perpétuaient chez Aubastronomica. Bientôt, les démons défièrent la structure de l’espace-temps, la déchirant çà et là pour contourner le Mur. Leurs corps abominables se renforcèrent, résistant de mieux en mieux aux blasters luminiques des Pulsars et des Stars. Par leur auras de ténèbres, ils brouillèrent les communications et les capteurs des Singulars, comme ils l’avaient fait à Sicad, conclut Padmilia. Peu à peu, ils se rapprochèrent de Tiphéreth.



La réalité vibra. Michaël s’accrocha aux poignées qui adornaient la table de commande mais derrière el, Brenna perdit le contrôle de ses ailes et tomba à la renverse. Toute la salle stratégique trembla dans un grondement assourdissant. Les élohim hurlèrent. Les hologrammes s’éteignirent. Dans les hauteurs, Padmilia aboya des ordres, tentant d’enrayer le chaos. 

— Restez à vos postes ! Il nous faut garder un œil sur la horde !

— Elle est en train de briser la séphira ! s’exclama Brenna. Nous sommes morts !

— Zeir arrive, rétorqua Michaël, qui était le seul ici qui parvenait à garder son calme. 

Les démons étaient parvenus à contourner, puis briser, les défenses du Mur. La milice du cœur était en déshérence. Les ténèbres fondaient maintenant sur Tiphéreth et attaquaient sa séphira, la coque de cristal qui contenait le royaume tout entier. S’ils parvenaient à la briser, ce qui semblait inévitable, les démons viendraient dévorer les mondes fleurs de Shemesh d'ici à quelques heures. Un seul espoir restait, l’arrivée prochaine de Zeir, qui rentrait enfin de Guebourah après six ans passés là-bas. 

Mais les heures passèrent et aucun signe du partzuf ne parvint à la salle stratégique. Les ténèbres bloquaient les communications et dans l’espace inter-céleste, les ophanim avaient fui ou étaient morts dévorés. Archa Strategica ne voyait plus rien de ce qu’il se passait au-delà de Tiphéreth. Dans le réseau EL, Michaël revit les dernières images captées de la horde. Les démons avaient déferlé sur la séphira avec une violence inouïe, dans une masse grouillante large de plusieurs centaines d’années-lumière. Des abominations plus grandes que des galaxies entières frappaient le cristal de toutes leurs forces, le faisant vibrer. Rien ni personne ne vint leur résister. Les images s’étaient alors coupées, rendant les élohim aveugles. Mais les démons étaient toujours là. Personne ne venait les arrêter. Leurs ombres noires comme l’encre plongeaient les mondes-fleurs dans l'obscurité. 

— Que dit Gadreel ? demanda Michaël. 

— Rien, la Milice ne dit plus rien, répondit Brenna. 

— Où est-el ?? 

— Je sais pas…

— Michaël ! appela alors Padmilia dans le réseau EL. Écoute-moi bien. La situation est très grave. Pour la sécurité de Père, un confinement a été ordonné.

— Un confinement ?

— Le Grand Architecte et les plus grands nobl’ailes du royaume doivent se confiner dans un bunker spécial, par la volonté d’EL. Étant le gardien officiel de Père, je dois l’accompagner, avec Aradim, Gadreel et bien d’autres. Il faut que tu viennes aussi. Brenna s’est porté volontaire pour rester dehors et nous communiquer des informations. 

— Quoi ? souffla Michaël, estomaqué. 

— Suis-moi, ordonna Padmilia en quittant discrètement la salle stratégique de sa chorale. 

— Non ! Attend !

Trop tard, Padmilia coupa la communication. Michaël n’eut d’autres choix que de le suivre, pour le rattraper. Comprenant ce qui allait se passer, Brenna s’élança derrière el. 

— Padmilia ! Attend ! Je veux rester ! s’écria Michaël.

Padmilia se retourna, surprit. 

— Rester ? Rester où ?

— Dehors. Je ne veux pas aller dans le bunker…

Padmilia fronça les sourcils. Brenna arriva et murmura à l’oreille de Michaël :

— Ne proteste pas. Ta graine est trop précieuse pour…

— Je vous en prie, fit Michaël, ignorant son frère. Je veux prendre la place de Brenna. Je veux être celui qui reste dehors. 

— Ça va pas ? s’agaça Padmilia. Tu viens avec moi, comme les autres Fitzarch, c’est tout. 

— Je serai plus utile si je reste dehors. Je pourrai combattre.

— Non. Ce n’est pas ton rôle. 

— Mais je suis une vertu militante ! Vous ne comprenez pas ?!

Un éclair de furie éclata alors dans le regard de Padmilia. El attrapa Michaël par le cou et fit grandir son halo, terrifiant le jeune Fitzarch. 

— Qu'est-ce que je comprends pas ?! 

— Je…euh…

— Tu es ma vertu. C’est moi qui décide.

Padmilia traîna Michaël hors de la chapelle d’Archa Strategica, jusqu’au parking. Dans le chaos, personne ne fit attention à la scène. Les centaines de Fitzarch de la chorale embarquaient tous dans des véhicules chromés et violets, en partance pour le bunker qui se trouvait au cœur inatteignable du palais d’Argent. Padmilia balança son jeune conseiller dans l’un de ces véhicules. Michaël atterrit sur les genoux de cinq de ses frères, aux expressions estomaquées. La portière claqua derrière el. Michaël gémit. El se redressa, s’assied sous de nombreux regards gênés. Tremblant, el s’exclama :

— C’est ridicule ! J’aurais pu combattre ! J’en ai marre de servir à rien !

Tiphéreth comptait des trillions d’habitants. Si la population se soulevait, elle pourrait combattre et repousser les démons. Michaël et d’autres courageux Fitz seraient là pour les guider. Cela n’était pas qu’un fantasme, c’est exactement ce qu’il s’était passé lors de la Seconde Brisure, lorsque les démons avaient attaqué la séphira de Malkouth. 

Michaël se souvint des images de la série historique sur les Fitz qui passait à la cristal-vision. El y avait vu une scène reproduite où Padmilia affrontait les démons avec son armée de milliards d’anges gardiens. Des civils, armés seulement de leur foi et de leur courage, avaient vaincu une horde de démons toute entière, au prix de leur sacrifice certes, mais els avaient gagné. Padmilia el-même s’était retrouvé à l’article de la mort, avant que son frère Aradim ne vienne le sauver au dernier moment. Comment des Fitzarch, autrefois si courageux, pouvaient els maintenant s’enfermer dans un bunker avec leur Papa. Pourquoi ne pas se battre jusqu'au bout, comme els l’avaient fait lors de la Seconde Brisure, pour tenir jusqu’à l’arrivée du partzuf ? À quoi bon se cacher ? À quoi bon préserver sa graine si les démons, sans un éloha pour leur résister, finissaient par tout dévorer ? 

Voyant Michaël rêvasser, les yeux exorbités, les autres Fitzarch dans le véhicule assumèrent qu’el était simplement, et légitimement, paniqué par les évènements. Els ne surent que faire, Michaël étant tout de même le conseiller de Padmilia en personne, le porte-parole d’Archa Strategica. Soucieux pour la santé de leur représentant, els s’associèrent pour tisser sur el une thaumaturgie apaisante. Michaël cessa enfin de s’affoler, et de penser. Durant le long trajet vers le centre du Palais d’Argent, el resta complètement abrutit. Au-dehors, el entrevit passer des millions de vaisseaux dans le grand espace argent du palais. Ils étaient de toutes les couleurs, de toutes les provenances. Dans l’habitacle, les Fitzarch s’agitèrent à la vue du grand tapis d’Aradim, qui semblait s’étendre à l’infini. L’archange, installé en tailleurs, était entouré de toute sa Cour. Sa trajectoire croisa celle de Padmilia, qui voyageait dans d’innombrables vaisseaux violets, formant une brume mauve luisante. 

Des dizaines de convois approchaient le cœur du Palais, une étoile ardente, électrique. Des coups de tonnerres résonnèrent. Michaël ne réalisa pas ce qu’il se passa Lorsqu’el reprit ses esprits, el se retrouva allongé sur un divan de soie mauve, toujours entouré de ses frères d’Archa Strategica. 

— Ah Michaël ! Ça va mieux ? demanda l’un d’els. 

— Où est-on ? souffla le jeune Fitzarch.

— Dans l’abri ! Padmilia nous a ordonné de rester ici. Le réseau ne passe pas ici. On doit attendre une place dans la salle de communications pour parler avec Brenna. 

— Une place ? On peut pas y aller maintenant ?

— D’autres ont la priorité pour l’utiliser…

Michaël observa les alentours. La plupart des élohim présents étaient des Fitzarch ou des nobl’ailes de très basse génération, la crème de la crème de la société élohienne qui jouaient ensemble, ou discutaient. 

— Je ne vais pas attendre ici des heures.

— Tu dois rester ici sur ordre de Padmilia, rappela un autre de ses frères. Tu l’as déjà suffisamment énervé tout à l’heure je pense. 

Michaël ignora ses frères et partit en voletant. 

Le jeune Fitzarch avança dans les salons qui s’enchainaient, tous magnifiquement décorés de fresques paysagères. El croisa Idiel, trop plongé dans ses visions pour remarquer quoi que ce soit. El s’approcha d’el et murmura : 

— Dis-moi ce que je dois faire. Dis-moi ce que tu vois…

— Parztuf…partzuf… 

— Notre sauveur va-t-il arriver à temps ? 

— Il arrivera oui, mais tu mourras…

Michaël déglutit.

— Il faut que je sorte d’ici alors, pour rendre mon sacrifice utile. Comment faire ?

— Le petit est dans la salle des communications. Je vais demander à Padmilia…à …

Confus, Michaël recula, rassemblant sa résolve.

— La salle des communications. Ok.



L’abri du cœur était un palais dans le Palais, un abri dans l’Abri. Il avait été bâti lors de la Seconde Brisure pour protéger le Grand Architecte, le dernier des primordieux, et son entourage. Ainsi tous ses enfants y venaient, avec leurs épouses et leurs propres enfants. Les maîtresses célestes, compagnes du Grand Architecte, s’installaient-elles aussi, menant leurs gynécées avec elles. Ainsi, l’abri était empli des cris des enfants, des pleurs des bébés, d’un tragique chaos que Michaël fit de son mieux pour traverser. Après plusieurs dizaines de minutes, el parvint enfin près de la salle de communication, où la foule était plus dense que jamais. À cette heure, il semblait que la salle était dédiée à coordonner l’arrivée des occupants de l’abri. Bien entendu, des élohim surveillaient autant que possible l'avancée des ténèbres, mais c'étaient ceux de la Milice qui en étaient responsables. Ainsi, Padmilia, et les autres grands archanges dépendaient des informations qu’els voulaient bien transmettre, restant sans nouvelles de ceux de leurs Cours qui étaient restés dehors. Cette situation était difficilement supportable. Les représentants des archanges se pressaient donc autour de la salle, poussant et bousculant pour se retrouver face à sa porte close. Michaël se joignit au chaos et y participa sans pitié.

La lutte dura plusieurs heures. Michaël rampa, vola, sauta par-dessus tous ceux qui lui barraient la route. Autour de la porte, un contingent entier de puissances repoussait les élohim, barrage infranchissable. Comment je vais faire ? se demanda Michaël, sans perdre de sa détermination. El se bâtit encore de longues minutes pour maintenir sa position. Mais soudain, une nuée bourdonnante d’ophanim débarqua dans les hauteurs. Els scannèrent la foule en grondant, effrayant les élohim. Els finirent par se diriger vers la porte et dans leur langage étrange, demandèrent aux puissance le droit d’y rentrer. Et els entrèrent. La foule se souleva en une vague furibonde. Mais les puissances endiguèrent le chaos. Michaël décolla. L’entrebâillure ! Vite ! 

C’est alors que Michaël fut soulevé dans les airs. Un ophana venait de le saisir, l'enveloppant dans une bulle enflammée. El l’emportant à travers la porte, dans la salle de communication, enfin ! L’ophana lâcha Michaël et partit chercher d’autres élus. Le jeune Fitzarch, el, découvrit l’intérieur du saint des saints. L’endroit, rempli à craquer d’élohim qui voletaient du sol au plafond, était difficile à observer. Mais il ressemblait énormément à la salle principale d’Archa Strategica. Des cristal-ordinateurs sur les côtés et un grand hologramme au centre. Un chérubin vint accueillir Michaël. 

— Désolé pour l’attente, dit-el. Vous êtes l’envoyé de Padmilia c’est ça ?

— Oui, fit Michaël, tendu.

— Le gardien du Grand Architecte, enfin, son représentant, a toute sa place ici, admit le chérubin. Mais la Milice prévaut, c’est ainsi. Allons trouver un poste pour vous. 

Michaël suivit le chérubin jusqu’à un cristal-ordinateur. El s’assit devant et projet son halo à l’intérieur pour se connecter au réseau EL. Là, el retrouva enfin Brenna. 

— Ça va, annonça ce dernier. La séphira tient encore. Les guébouréens ont l’habitude de ce genre de choses donc nous suivons leurs conseils pour nous en sortir.

— Les guébouréens ont eu leur séphira brisée, rappela Michaël. Sont-els de bon conseil ?

— Els ont tenu longtemps avant qu’elle ne cède, rétorqua Brenna. Donc oui, els le sont. Les séraphins et les chérubins sont en train de renforcer la séphira à l’heure qu’il est, malgré les risques. Els même suivent les vieux préceptes des Saints Forger’ailes d’autrefois. 

— Avec un peu de chance, les séraphins de notre époque se tiendront plus sages que leurs ancêtres, remarqua Michaël en se rappelant des histoires de l’époque du Haut-Tikkun, lorsque les Forger’ailes, très influents, avaient usurpé des domaines entiers sous la menace de ne plus entretenir les séphiroth. 

— Il n’y a pas de pouvoir à prendre lorsque les démons sont à nos portes, dit Brenna. 

— Tu es sûr ? Tous nos gouvernants se sont enfermés dans un abri au lieu de mener leur peupl’aile au combat.

Brenna leva les yeux au ciel. 

— Pourquoi tu m’as pas laissé me porter volontaire à ta place ? s’indigna Michaël. Je voulais vraiment rester combattre !

— Tu es plus précieux que moi Michaël. 

— Quoi ? Non ! N’importe quoi ! Tu es plus sage et expérimenté que moi et …

— Tu ne sais pas encore pourquoi, mais je t’assure, tu es plus précieux que moi.

— Pourquoi tu dis ça ?!

— Idiel forme des prophéties autour de toi, tu le sais ?

Michaël resta silencieux un instant, confus. 

— C’est une domination, finit-el par dire. El fait des prédictions autour de tout le monde, c’est son don, c’est ainsi qu’el sert EL, et Padmilia. 

Brenna sourit, son regard doux. 

— El ne parlait que de toi avant que le confinement ne soit ordonné. Je pense que c’est aussi pour ça que Padmilia a… vraiment tenu à ce que tu sois dans l’abri.

— Que disait-el ?

— Quelque chose va se passer dans l’abri. Rien de grave à priori, mais, quelque chose d’important. Idiel n’avait pas l’air content, mais el était résigné. El a parlé de Guebourah et de… Enfin bref. Ouvre l’œil. 

Michaël trépigna, impatient mais pensif. Brenna raccrocha avant qu’el ne puisse lui poser plus de questions. 

Par EL… Qu'est-ce qui va me tomber dessus ? Que dois-je faire ? Retourner auprès d’Idiel ? Qu’a-t-el dit déjà ? El avait parlé de Guebourah ? Comment je pourrai atteindre Guebourah d’ici ? Ça n’a aucun sens… 

À ce stade, seule l’intervention du Grand Architecte en personne pourrait permettre à Michaël de sortir d’ici, ou même d’aller à Guebourah. 

Autour de Michaël, les chérubins s’afféraient. Quelque chose clochait dans les cristal-ordinateurs, perturbant les communications. Un sentiment d’effroi monta parmi la foule. Les ténèbres bloquaient-ils le réseau ? Avaient-ils pénétré l’infrastructure, et donc la séphira ? Non. Non. Ce n’était qu’un petit bug, affirmaient les chérubins techniciens. Michaël se reconnecta à son cristal-ordinateur. Le réseau était légèrement brouillé par de petites interférences. Mais alors que Michaël les explorait, elles se démultiplièrent et soudain, dans l’éther doré, un message s’afficha.

“PROUT.”

Michaël fronça les sourcils. 

“ZIZI.”

Qui était l’abrutit qui faisait une telle blague dans un moment pareil ? 

“POUET POUET.”

Un tel niveau d’immaturité ne pouvait signifier qu’une chose. Indigné, Michaël se souvint alors des paroles d’Idiel. 

Le petit est dans la salle des communications.

L’enfant ne pouvait pas être loin. Michaël s’accroupit et chercha sous son cristal-ordinateur, sans rien trouver. Sur l’écran apparut un nouveau message :

“Si tu veux me trouver tu dois me BATTRE !”

Le halo de Michaël fut alors appelé dans le réseau EL. La vertu n’eut d’autre choix que de s’y replonger. Là, el tomba sur une étoile scintillante qui contenant un logiciel de jeu, un jeu vidéo. El veut jouer avec moi, n'est-ce pas ?

Michaël soupira et entra dans le jeu. Son esprit se matérialisa dans un grand décor, un palais flottant dans les cieux. Des armes apparurent dans ses mains, une épée lumineuse et un arc. 

— Attention ! avertit alors une petite voix. Les vilains chinchillas arrivent !

— Les vilains quoi ?

— Trois. Deux. Un !

Une musique aussi entrainante de stupide agressa les tympans de Michaël. Et soudain, dans un fracas de bruits ridicules, une armée de créatures poilues déferla sur le palais. Armé de son épée et de son arc, Michaël les repoussa tant bien que mal. Après avoir subi quelques dégâts, les créatures finissaient par exploser dans des nuages colorés. 

— Montre-toi gamin ! appela Michaël. 

— Bats-les tous d’abord !

— Je n’ai pas le temps de jouer avec toi !

— Tu t'amuses pas ?

Michaël ne put s’empêcher de sourire. La jeune vertu, dans d’agiles assauts, déferlait en effet ses frustrations sur les chinchillas géants à défaut de pouvoir combattre des démons. Cela faisait longtemps qu’el n’avait pas joué ainsi. El avait joué à tant de jeux avec Raphaël, et Kokabiel. Cela semblait faire une éternité…

— Aller ! Envoie-les tous ! 

L’assaut des chinchillas redoubla et avec eux, la difficulté du jeu. Ce fut au tour de Michaël de subir des dégâts, virtuels bien sûr. La vertu vainc les créatures au prix de nombreux points de vie, mais alors qu’el pensait enfin arriver au bout, le boss final se présenta. 

— Voici Maxi-Poil ! annonça l’enfant. Tu dois le vaincre pour me délivrer !

— Oh par EL…

Maxi-Poil était bien plus gros que ses larbins. Aussi énorme que fluffy, il portait une petite couronne dorée sur sa tête et était armé d’une carotte. Ses yeux vides scintillaient de mille feux. Malgré sa beauté et sa grâce, ses pas firent trembler tout le palais. 

— Meurs ! Abomination ! s’écria Michaël en se lançant à l’assaut. 

Quelques minutes plus tard, la jeune vertu se retrouva au sol, épuisé. Maxi-Poil disparu dans un nuage rose et une musique triomphante résonna. Michaël quitta le jeu, le réseau, et retrouva son corps et la salle de communications. 

— Montre-toi, demanda-t-el. 

— Coucou !

Michaël se baissa. Cette fois, l’enfant était là, un petit chérubin d’à peine cinq ou six ans. Sous une crinière noire et bouclée, son visage de lutin était fendu d’un sourire exquis. Ses yeux roses pétillaient de malice. Dans son halo mauve, Michaël découvrit qu’el était un petit Fitzarch !

— Que fais-tu ici ?! souffla Michaël. 

— C’était le bazar dehors ! babilla l’enfant. Alors je suis venu m’amuser chez les grands !

— Tu peux pas rester là ! s’indigna Michaël. Où est ta mère ?

— Ché pas… Elle me laisse jamais tranquille cella là !

— Viens ici ! On va aller la chercher !

— Non !

— Si ! 

— Non ! 

Michaël attrapa son petit frère par la base des ailes et le traîna hors de sa cachette. El songea à confier l’enfant à une puissance, mais les paroles prophétiques d’Idiel l’en dissuadèrent. Cet enfant devait avoir une importance. Alors Michaël sortit de la salle de communication avec el et entreprit de chercher sa mère. El traversa le chaos, prenant soin de protéger le petit de la bousculade. Sortit de là, el repassa parmi les azohim et leur marée de mioches. Rapidement, des ophanim l’entourèrent, lançant une alerte sonore. Une azoha déboula en panique devant Michaël :

— Oh Prométhée ! Mon Prométhée ! Par EL !

L’azoha prit l’enfant des bras de Michaël. 

— Vous avez sauvé mon petit ! Oh merci ! Merci !

— Je ne l’ai pas sauvé juste… trouvé… El était dans la salle des comms. 

— Vilain Prométhée ! Vilain ! s’exclama l’azoha. 

Prométhée tira la langue et tendit les bras vers Michaël. 

— Je veux jouer encore ! Viens jouer avec moi !

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