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La nouvelle

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La nouvelle

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La chemise s’envole, emportée par un souffle léger. Il frissonne. Je souris.

« T’as vraiment une peau d’pêche. »

Le bout de mes doigts glisse contre son bras, redressant chacun de ses petits poils bruns. Dans ses yeux, dans sa bouche entre-ouverte, je vois le monde qui s’offre à nous.

« Séducteur. » Il le pense comme une insulte, je le sais, mais ça n’a pas vraiment l’effet recherché.

Mon cœur s’emballe, et mon sourire s’étire à l’infini. Il soupire en souriant, feignant un agacement que je ne lui ai jamais inspiré.

J’allais trouver la répartie parfaite, quand une lumière beaucoup trop vive est venue gâcher notre petit moment. Elle était entourée des distorsions rouges des rêveurs, et je n’ai pas pu retenir ma grimace plus d’une demi-seconde.

Jamais, en presque vingt-cinq jours de relation, on a été interrompu ici, sur la colline. On n’a même jamais été interrompu ici avant, quand mon courage était encore en chemin !

La lumière diminue, et Shihab cherche sa chemise du regard. Sa longue natte noire attire le regard sur son torse lisse. Je n’avais jamais eu de problème avec ses cheveux jusqu’à aujourd’hui.

On s’approche, tout naturellement, du corps infantile aux longs cheveux bruns en batails. Au premier abord, je dirais fille de dix ou onze ans. Sauf qu’il lui manque la jupe de coton qui accompagne les rêveurs pour leur premier voyage. A la place… rien. Juste la chemise.

Il se masse la natte, s’éloignant en bougonnant. « Tu crois pas qu’on devrait partir ? »

Il la regarde, puis regarde vers Calembours. Je sais à quoi il pense, à qui il pense, mais je ne veux pas y penser. Il n’y a aucune raison qu’elle nous reconnaisse ou qu’elle comprenne quoi que ce soit. 

« Elle se réveille ! » Espérons que ça le retienne un peu.

« Tu es sûre que c’est elle ? » Il s’approche, avec ses grands airs de héros militants. Comme si on avait pas des affaires plus importes à régler !

« Mais je sais pas, moi ! Regarde son visage, et ses ch'veux ! » Non mais sérieusement, ce qu’il peut être lourd avec tout ça.

Il me fusille du regard. J’entendrais presque le « moi aussi j’ai les cheveux longs, face de haricot », mais il ne prononce pas un mot.

La fillette gigote, ouvre les yeux, grimace et entreprend de s’asseoir, avant que je l’arrête. Pour un premier voyage dans le monde Onirique, elle va beaucoup trop vite.

« Hey ! Doucement, gamine ! » J’ai pas envie de gérer ça, moi !

« Arrête de genrer les inconnus, bon sang ! » Il aboie. Il réalise qu'il se ridiculise, pas vrai ? « Je suis Shihab et j’utilise il, lui, et..

_Mais tais-toi ! » La pauvre gosse est complètement paumée !

_Je me fiche de ce dont cette personne a l’air ! Tu ne sais pas ce qu’elle vit ! Tu pourrais être très blessant ! Tu pourrais… » Il grince des dents. Depuis quand il est comme ça ? Il y a un truc ? Il a l'air d'y avoir un truc.

Oh et puis merde ! Je peux pas lire dans les pensées, moi ! S'il dit rien, c'est pas mon problème !

Elle regarde l’horizon et, quand il pose les yeux sur elle, il pousse un soupire qui détend tous ses muscles. Traduction : elle est sa nouvelle priorité.

« Bienvenue sur la Colline aux colombes, petite. » J’adressais un sourire victorieux à Shihab, histoire d’enfoncer le clou, et il répliqua avec un autre regard assassin.

« Merci… » Elle regardait plus la colline que nous. « Ouais… » Un petit zoom sur mes cheveux. « Bonjour ? » Elle sourit, il fond comme neige au soleil.

« C’est rare de recevoir de la visite, par-ici. » Mais vas-y, dis-lui tout de suite qu’on se retrouve là pour être tranquille !

Aouch ! Son coude s’enfonce dans mes côtes, juste assez longtemps pour qu’elle puisse le dévisager.

« Comme je disais, je suis Shihab et j’utilise les pronoms il, lui. Je peux te demander quel…

_Ouais… heu… au fait, ici… c’est où ? » Elle se fiche de ses histoires de pronom.

Elle a entendu quand j’ai dit Colline aux colombes ? Elle regarde vers la rivière outrancière, puis vers Calembours. Elle doit pas avoir entendu parler du comté.

« Je ne m’inquièterais pas de ça, à ta place. » Le regard réprobateur de Shihab descend le long de sa silhouette et remonte lentement. « Sinon, tu ne nous a pas dit. Comment on peut t’appeler ? Comment il faut te genrer ? Je ne voudrais surtout pas te mettre plus mal à l’aise ! »

Bah quoi ? Pourquoi il la dévisage comme ça ? Elle me semble tout à fait… aoutch ! Un coup dans les côtes, un coup derrière la tête, … elle le rend violent !

« Il me faut des vêtements. » Son visage avait pris la couleur de la neige, comme si c’était vraiment plus urgent que de savoir elle se trouvait. « Où est-ce que je peux en trouver ?

_Bah… c’est compliqué… » Shihab caresse sa natte comme s’il voulait faire un feu.

« Il y a le bourg aux calembours, derrière la rivière outrancière. » Je désigne le village de mémoire, observant plutôt les traits encore tendus de Shihab.

S’il nous fait une crise de panique, sa chaîne bizarre va se tortiller et, si elle est déjà pas très souple comme ça, ça va devenir un enfer de réussir à en tirer quoi que ce soit.

« Mais tu peux pas y aller maintenant ! » Son teint blafard a parlé pour lui. C’est Sharon, le soucis.

« Pourquoi ?

_Parce que tu ne peux pas circuler d’une zone à l’autre pendant un rêve. » Je ne l’avais jamais vu essayer d’être autoritaire, avant. Ça lui va bien.

« C’est ridicule. » Elle secoue la tête et ses cheveux volent comme les oreilles d’un teckel.

« Pour une fois, il a raison. » Je hausse les épaules. Est-ce que s’énerver va l’aider à se changer les idées ?

« Pour une fois ? » En tout cas, il a mordu à l’hameçon.

« Et si je le fais quand même ? » Elle croise les bras, comme le ferait Claire Charmerouge pour exiger une réponse.

« La dernière personne à avoir essayé… » J’étais sur de pouvoir le dire, mais quelque chose à éclos dans ma gorge, comme si leurs souvenirs avaient pris toute la place dont j’avais besoin pour parler.

« Elle n’a jamais pu repartir. » Même sa main sur ma taille ne calmait pas cette sensation de brûlure, comme un couteau qui s’enfonce dans mon cœur.

Je ne veux même pas penser à ce que ressent Amandine.

« Elle est dans le coma, de l’autre côté. » Je cligne des yeux, m’accrochant à la voix de Shihab. Il faut que je dise quelque chose, que je me prouve que je peux encore parler…

« N’essaie pas… surtout pour quelque chose d’aussi trivial. » Un souffle c’est mieux que rien.

« Il n’y a personne ! » Elle désigne l’horizon d’un geste large.

« Ne sois pas stupide. » Shihab roule des yeux, comme s’il s’adressait à moi. « C’est sérieux, et le comte est plus malin que ça. »

Son visage se crispe, comme si on avait parlé d’un drôle de concept incompréhensible.

« Si tu y tiens, réveilles-toi et voyages là-bas la prochaine fois. » Je hausse les épaules, pas trop dévasté par son départ imminent.

Sauf qu’elle a l’air encore plus perdu.

« Ça comprend pas. » Ah parce que « ça » c’est mieux que « elle » ? Drôle de logique.

« Ça, je vois aussi. » Je me retourne vers elle. « Voyager, ce que tu fais là, quand tu dors. » Peut-être qu’elle comprendra mieux avec de grands gestes. « Ils vous apprennent quoi, à Lendemain ?

_Lendemain ? »

Soit elle fait l’écho, soit elle a rien à faire là. Je ne laisse même pas le temps à Shihab de répondre.

« Lendemain. La société Lendemain. Tu sais quelque chose, au moins ? » Je mouline des bras, comme si ça pouvait l’aider à comprendre quoi que ce soit.

« Je ne vois pas de quoi tu parles.

_Merde ! » Je passe une main dans mes cheveux, histoire de rafraîchir mon cerveau.

« Mais il se passe quoi, à la fin ? »

Je regarde vers lui, puis vers elle. Le choix est vite fait.

« Je suis désolé, petite, mais ce n’est pas ton monde, ici. Si Lendemain ne couvre pas tes arrières, c’est trop dangereux de te laisser ici. »

Je regarde un peu à gauche et à droite, comme si l’univers allait me donner un autre moyen.

« Alors quoi ? » Son regard se veut suppliant et humide, j’évite de trop y prêter attention.

Shihab sort ses doigts de sa bouche pour lui souffler ce qu’elle doit entendre. Il avait pas arrêté de se bouffer les doigts il y a deux mois ?

« Ce n’est pas à nous de te dire tout ça.

_Mais à qui, alors ?

_Vraiment désolé. » Je prends le relai, inspirant profondément.

Je sais jamais dans quel angle envoyer ma chaîne, pour renvoyer un rêveur sans brouiller ma connexion ou partir avec lui. Si Mazeya était là, j’aurais fait autrement. A la place, je plaque ma main contre son visage. Elle sursaute.

Je la sens se tendre avant que mes chaînes ne l’avalent. L’énergie m’échappe alors que la lumière l’emporte au loin. Je tombe presque dans le flash, mais Shihab m’attire à lui.

Je ferme les yeux, la tête lovée contre son torse.

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Oct 20, 2023 21:19

Je sais pas qui c'est, mais j'aime pas la narratrice xD Mais j'aime beaucoup la nouvelle !